Astuces et alertes pour bien utiliser le contrat de projet
Sujet du mois : Astuces et alertes pour bien utiliser le contrat de projet
Avec la loi de transformation de la fonction publique en date du 6 août 2019 et son décret d’application du 27 février 2020, les manageurs publics disposent d’un nouvel outil pour recruter des compétences sur un besoin déterminé : le contrat de projet régi par les dispositions des articles L.332-24 à 26 du Code Général de la Fonction Publique.
Cette possibilité s’inscrit dans les objectifs de la loi précitée qui promeut des adaptations nombreuses à la logique de carrière, principe fondateur de la fonction publique réitéré dans la loi du 26 janvier 1984 dont on vient de célébrer le 40ème anniversaire.
C’est un outil intéressant pour le manageur public et il semble qu’il rencontre un véritable succès, quatre ans après sa création.
Il convient cependant de prendre quelques précautions indispensables pour que cette aubaine ne se transforme pas en « niche à contentieux » et n’atteigne finalement pas son objectif.
- À quoi ça sert ?
Les détracteurs du contrat de projet n’y ont vu qu’une précarisation de la fonction publique, mais il faut également avoir conscience qu’il constitue une alternative intéressante à l’externalisation de la prestation intellectuelle donnant la possibilité, pour une collectivité, de la confier à un agent contractuel.
- Pourquoi choisir d’avoir recours à un contrat de projet plutôt qu’à un marché de prestations ?
En dehors des raisons liées aux comparaisons de durée de procédure, de coûts et de disponibilités des compétences en fonction du choix opéré, l’enjeu de la réussite d’un projet, dépend également du degré d’implication possible ou souhaitable de la collectivité, manageur et maitre d’ouvrage.
Il convient alors de s’interroger, en début de projet, sur la relation que la collectivité veut entretenir avec cette fonction car le choix sera conditionné par de nombreux facteurs liés au projet lui-même, aux ressources déjà existantes au sein de la collectivité et consécutivement au degré d’implication requis.
- Qu’est-ce qu’un projet et surtout une fin de projet ?
Il n’existe, dans les textes, aucune définition du projet. Il faut donc s’en remettre à la jurisprudence judiciaire qui exige que le projet ait un périmètre défini avec un contenu précis et un achèvement reposant sur des données objectives.
Bien entendu l’agent peut se voir confier une mission spécifique à l’intérieur d’un projet. Il est alors indispensable, dans l’objet du contrat, de bien opérer une distinction entre l’objet général du projet et la mission spécifiquement confiée.
Il est ainsi recommandé, dans la délibération de la collectivité créant le contrat de projet, de prendre le soin de motiver le recours à ce type de contrat par une justification précise et argumentée, étayée par des éléments de contenu et de calendrier prospectif.
Le contrat devra reprendre ces éléments dans son objet et être particulièrement précis sur ce que l’employeur considère comme étant constitutif de la fin du projet au sens du contrat lui-même : c’est important puisque la fin du contrat est conditionnée logiquement à la réalisation de l’objet pour lequel il a été conclu (Code Général de la Fonction Publique, article L.332-26, al.1).
Une source réelle de contentieux pourrait se loger dans des imprécisions quant aux éléments qui conditionnent la fin du contrat.
- Quelle rémunération prévoir ?
Sans surprise, il conviendra, comme pour tous les emplois contractuels, de prendre en compte les fonctions occupées, la qualification requise et celle détenue par l’agent, de même que son expérience professionnelle. À noter qu’il sera possible de réévaluer cette rémunération en cours de contrat au vu des résultats obtenus et validés lors de l’entretien annuel d’évaluation.
- Quelle procédure respecter ?
Tout d’abord, il convient de préciser que le contrat de projet doit être conclu pour une durée minimale d’un an et peut aller jusqu’à six ans. À préciser également que, même si le projet est abandonné, la durée minimale du contrat ne pourra pas être inférieure à un an. Il faut donc s’être bien assuré des conditions préalables de réalisation du projet avant de signer le contrat. C’est ainsi que, si le projet est conditionné à l’octroi de financements externes, il faut être vigilant pour obtenir l’assurance de leur attribution avant la signature de l’engagement contractuel.
Bien que le contrat de projet ne conduise pas, par définition, à recruter sur un emploi permanent, il convient d’appliquer la procédure habituelle prévue par les décrets n°88-145 du 15 février 1988 et n°2019-1414 du 19 décembre 2019.
Il conviendra donc d’organiser une sélection des candidatures répondant aux objectifs de transparence et d’égalité de traitement, avec la publication d’une fiche de poste et une analyse de la recevabilité des candidatures avant la phase de sélection, pour laquelle un entretien n’est pas expressément requis.
À la suite, la rédaction d’un contrat écrit s’imposera, bien entendu, avec la mention des conditions d’emploi et de rémunération, l’objet détaillé du projet et sa durée envisagée, le lieu d’exercice de la mission, et, comme il a été indiqué précédemment, les critères déterminant la fin du contrat. Il est à préciser que la collectivité pourra procéder à la fin anticipée du contrat par le versement consécutif d’une indemnité de rupture. À noter qu’il est possible de prévoir une période d’essai.
La collectivité devra notifier à l’agent la date de sa fin de contrat, que cette date coïncide ou non avec le terme prévu.
Il devra communiquer à l’agent cette information dans un délai d’au moins deux mois si le contrat a une durée inférieure ou égale à trois ans et un délai de trois mois au-delà.
Le contrat de projet est un outil à bien maitriser par l’employeur. Il est souvent privilégié par les personnes en recherche d’emploi disposant d’expertises intéressantes, qui privilégient la flexibilité de l’emploi en choisissant sciemment les contrats à durée déterminée pour enrichir leur curriculum vitae.
Le Cabinet est à votre disposition pour répondre à toutes questions sur le montage et la rédaction de ces contrats.
Rubriques mensuelles
Domaine public :
Une occupation ponctuelle d’un local par une association cultuelle peut ne pas être une libéralité
Eu égard à la jurisprudence récente, il est utile de faire le point sur les règles d’utilisation des locaux communaux par les syndicats, associations et partis politiques.
Tout d’abord, il faut rappeler que, s’il appartient au conseil municipal d’édicter les règles d’utilisation des salles au profit d’organismes ou personnes extérieures, y compris par la fixation des redevances, il relève de la compétence du maire de mettre en œuvre ces principes compte tenu des besoins de l’administration elle-même et du maintien de l’ordre public.
Il en ressort que le maire ne peut pas interdire l’accès à un parti politique, a priori (CE, 30 avril 1997, n° 157115, cne de Monsoult), ni à une association cultuelle, du simple fait de cette qualification (CE, 19 juillet 2011, n° 313518, Cne de Montpellier).
Dans ces deux cas, ce sont uniquement des raisons liées à l’indisponibilité avérée des lieux ou à une menace à l’ordre public qui peuvent conduire au refus de l’autorisation.
En vertu de l’article L.2144-3 du Code général des collectivités territoriales et de l’article L.2125-1 du Code Général de la Propriété des Personnes publiques (CGPPP), il convient de noter que la gratuité de l’occupation d’un local communal est réservée aux associations à but non lucratif qui concourent à la satisfaction d’un intérêt général, qualification qui ne peut être retenue pour une association cultuelle.
S’agissant de ces dernières, les tarifs doivent se fonder sur des différences de situation appréciables, telles que le nombre de participants, la durée de l’occupation, le gabarit des différentes salles, la présence ou non de matériels de vidéo-projection, par exemple.
Une récente jurisprudence (CE, n°471061, 18 mars 2024) vient de préciser, s’agissant d’une occupation ponctuelle d’un équipement public par une association cultuelle, que l’existence d’une libéralité ne saurait résulter du simple fait que le local est mis à disposition gratuitement et doit être appréciée compte tenu de la durée et des conditions d’utilisation du local communal, de l’ampleur de l’avantage éventuellement consenti et, le cas échéant, des motifs d’intérêt général justifiant la décision de la commune.
Le Conseil d’Etat a considéré, en l’espèce, que l’occupation, par l’association » Union des Musulmans des Alpes-Maritimes » à titre gratuit du théâtre municipal Lino Ventura le matin du vendredi 15 juin 2018 entre 7 heures à 11 heures afin d’y célébrer la fête musulmane de l’Aïd-el-Fitr pourrait, ainsi, ne pas constituer une libéralité.
Conseil du cabinet :
Si une association cultuelle vient à demander l’utilisation d’un local communal, il convient de ne pas s’y opposer, de fixer un tarif proportionné selon les critères fixés par la jurisprudence et de garder à l’esprit qu’a priori, une occupation ponctuelle pourrait même être tolérée sans être constitutive d’une libéralité.
Intercommunalité
Le transfert de compétences entraîne le transfert de la responsabilité extracontractuelle
Par une décision du 28 novembre 2023, Communauté d’agglomération de la Provence Verte, n° 471274, ne suivant pas les conclusions du rapporteur public, le Conseil d’État a fixé le principe selon lequel le transfert de compétence d’une commune à un EPCI entraîne la substitution de plein droit de l’EPCI à la commune dans l’ensemble des droits et obligations liés à cette compétence, y compris lorsque ces obligations trouvent leur origine dans un événement antérieur au transfert.
Un tel principe implique, ainsi, le transfert de toutes les obligations à l’EPCI, y compris donc les actions en responsabilité extracontractuelle trouvant leur origine dans le mauvais exercice par la commune de la compétence désormais transférée. Ce principe ne peut céder que si des dispositions législatives contraires limitent le transfert des obligations ; les communes ne peuvent donc a priori pas, pour un transfert de compétence facultative, restreindre l’étendue desdites obligations.
Il apparaît même que les communautés de communes ou d’agglomération doivent désormais seules répondre des conséquences dommageables liées à l’exercice des compétence, comme l’indiquait un arrêt rendu par la Cour Administrative d’Appel de Lyon (18/07/2019, n°17LY02770) ou de Marseille (7 décembre 2021, n° 20MA03079)
Conseil du cabinet :
Une telle jurisprudence invite à la prudence. Lors d’un transfert de compétence, il apparaît utile d’effectuer un audit de l’ensemble des contentieux en cours.
Urbanisme
Quantité d’emplacements réservés prévus au PLU : faire preuve de précision et de parcimonie lors de leur institution pour éviter leur inopposabilité
C’est à l’occasion de l’adoption du plan local d’urbanisme bioclimatique (PLU-B) par le Conseil de Paris en juin 2023, qui institue pas moins de 947 emplacements réservés, que la doctrine s’est penchée, de nouveau, sur ce dispositif.
D’une part, lorsqu’il est saisi d’un recours à l’encontre de l’institution ou du maintien d’un emplacement réservé, le juge administratif n’exerce qu’un contrôle limité en vérifiant que l’emplacement réservé poursuit un but d’intérêt général, et qu’il semble cohérent avec le parti d’urbanisme retenu par la collectivité.
D’autre part, le Code de l’urbanisme, à ses articles L.230-1 à L.230-6, prévoit un mécanisme de délaissement permettant au propriétaire d’un terrain grevé d’un emplacement réservé de solliciter l’acquisition de ce terrain auprès de la collectivité (mise en demeure d’acquérir, saisine du Juge de l’expropriation en cas d’absence d’accord amiable dans un délai d’un an).
À ce titre, l’article L.230-4 du Code de l’urbanisme prévoit que « les limitations au droit de construire et la réserve ne sont plus opposables si le juge de l’expropriation n’a pas été saisi » dans le délai de quinze mois à compter de la réception par la collectivité de la mise en demeure d’acquérir.
Cet article prévoit toutefois que cette disposition ne fait pas obstacle à la saisine du juge de l’expropriation au-delà de ce délai.
La jurisprudence considère quant à elle qu’en l’absence de réponse de la collectivité à la mise en demeure d’acquérir qui lui a été adressée par le propriétaire du terrain grevé par un emplacement réservé dans le délai d’un an imparti, « les limitations au droit de construire et la réserve n’étaient plus opposables à ce propriétaire ni aux personnes auxquelles il a ultérieurement cédé le terrain » (CAA LYON, 5 décembre 2017, n°16LY00313).
Il s’en évince que l’institution d’un nombre trop élevé d’emplacements réservés au PLU emporte deux conséquences potentiellement préjudiciables à la collectivité :
1. La nécessité d’acquérir, à l’amiable ou par voie d’expropriation, les parties de terrains grevées d’un emplacement réservé,
2. L’inopposabilité des emplacements réservés aux projets d’urbanisme portés par les propriétaires de ces terrains.
Conseil du cabinet :
Il convient de ne pas multiplier les emplacements réservés, surtout si la collectivité n’a pas réellement d’intention de réaliser les projets évoqués dans ces emplacements réservés.
Le régime contentieux des autorisations environnementales s’inspire de celui des autorisations d’urbanisme
Pour répondre à un objectif de sécurisation des projets, la Loi n°2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (dite Loi EnR ou Loi Aper) et la Loi n°2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte sont venues durcir le contentieux des autorisations environnementales.
Elles ont notamment transposé des dispositions relatives du contentieux des autorisations d’urbanisme au contentieux environnemental.
Premièrement, l’article 23 de la Loi Aper a inséré à l’article L.181-17 du Code de l’environnement l’obligation pour l’auteur d’un recours contentieux à l’encontre d’une autorisation environnementale de « notifier son recours à l’auteur de la décision et au bénéficiaire de la décision », à peine d’irrecevabilité de la requête.
Le décret n°2023-1103 du 27 novembre 2023 précise que cette règle s’applique également aux recours gracieux.
Dans les deux cas, la notification du recours doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter de la date de dépôt du recours auprès de la juridiction administrative, ou de la date d’envoi du recours gracieux.
Ce dispositif constitue le pendant du dispositif prévu à l’article R.600-1 du Code de l’urbanisme.
Précisons que ces dispositions ont été validées par le Conseil Constitutionnel dans sa décision n°2023-848 rendue le 9 mars 2023, et qu’elles s’appliquent aux recours relatifs aux autorisations environnementales accordées à compter du 1er janvier 2024.
Deuxièmement, l’article 4 de la Loi relative à l’industrie verte a inséré à l’article L.181-17 du Code de l’environnement un dispositif destiné à lutter contre les recours abusifs :
« Lorsque le droit de former un recours contre l’une des décisions mentionnées au premier alinéa du présent article est mis en œuvre dans des conditions qui traduisent un comportement abusif de la part du requérant et qui causent un préjudice au bénéficiaire de l’autorisation, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l’auteur de celui-ci à lui verser des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel. »
Ce dispositif constitue le pendant du dispositif prévu à l’article L.600-7 du Code de l’urbanisme.
Troisièmement, l’article 23 de la Loi Aper a modifié les dispositions de l’article L.181-18 du Code de l’environnement pour imposer au Juge administratif de surseoir à statuer lorsque dès lors que la régularisation de l’autorisation litigieuse est possible, et alors même que qu’un tel sursis ne serait pas sollicité par une partie à l’instance.
Ce dispositif constitue le pendant du dispositif prévu à l’article L.600-5-1 du Code de l’urbanisme.
Conseil du cabinet :
Les requérants qui attaquent un permis de construire et une autorisation environnementale autorisant un projet doivent veiller, pour chacun de ces contentieux à adresser copie du recours à l’auteur de la décision et à son bénéficiaire.
Assouplissement du dispositif de cristallisation prévu à l’article L.600-2 du Code de l’urbanisme
En application des dispositions de l’article L.600-2 du Code de l’urbanisme, lorsqu’un refus de permis de construire, une opposition à déclaration préalable, ou une décision de sursis à statuer a fait l’objet d’une annulation juridictionnelle, la demande de confirmation présentée par le pétitionnaire ne peut fait l’objet d’un nouveau refus, d’une nouvelle ou d’un nouveau sursis à statuer, sur le fondement de dispositions d’urbanisme intervenues après la date à laquelle la décision litigieuse a été annulée.
Mais, alors, la mise en œuvre de ce dispositif de cristallisation des règles d’urbanisme était soumise à deux conditions cumulatives :
1. L’annulation de la décision litigieuse doit être devenue définitive,
2. Le pétitionnaire doit avoir présenté sa demande de confirmation dans le délai de six mois suivant la notification de la décision juridictionnelle d’annulation.
Toutefois, dans un arrêt n°466407 rendu le 13 novembre 2023, le Conseil d’État a admis que le mécanisme de cristallisation des règles d’urbanisme pouvait être appliqué même si la décision juridictionnelle d’annulation n’était pas devenue définitive, dès lors que le pétitionnaire a présenté sa demande de confirmation dans le délai imparti.
Le Conseil d’État justifie la solution retenue par la faculté offerte à l’administration de retirer l’autorisation si l’annulation était finalement censurée.
Conseil du cabinet :
Désormais, la confirmation de la demande du pétitionnaire peut intervenir avant la fin des voies et délais de recours contre le jugement ayant procédé à l’annulation. Elle peut donc intervenir dès que le jugement est rendu. Il convient alors de veiller à instruire à nouveau la demande dans le délai de deux mois pour éviter toute décision implicite d’acceptation.
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