Des précisions sur la procédure de signalement pour les agents publics

Sujet du mois : Des précisions sur la procédure de signalement pour les agents publics

Les collectivités territoriales sont confrontées au défi de protéger les lanceurs d’alerte conformément à la législation en vigueur, à la fois nationale et communautaire, mais également de se prémunir contre toute utilisation abusive par les agents, du statut de lanceur d’alerte, au mépris, notamment, de leur devoir de réserve et d’obéissance hiérarchique.

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La loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique a donné un cadre transversal aux alertes a remplacé une partie des dispositifs spécifiques ou sectoriels qui avaient été auparavant instaurés notamment dans le secteur public

Cette législation française a inspiré l’Union européenne qui a adopté, le 23 octobre 2019, la directive (UE) 2019-1937 sur la protection des personnes qui a conduit à la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte

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A ce titre, la circulaire du 26 juin 2024, relative à la procédure de signalement des alertes émises par les agents publics constitue un vade-mecum utile.

La circulaire rappelle que, pour pouvoir être qualifié de lanceur d’alerte et bénéficier des mesures de protection afférentes à ce statut, il faut être une personne physique, ne pas agir dans l’intention d’obtenir une contrepartie financière directe et être de bonne foi.

Sera, selon la circulaire, considérée comme étant de bonne foi la personne qui a des motifs raisonnables de croire, au vu des informations dont elle dispose, que les faits signalés sont véridiques et qu’ils peuvent faire l’objet d’une alerte.

Par ailleurs, peuvent être constitutifs de signalement toutes informations portant sur un crime ou un délit, mais également sur une menace ou un préjudice pour l’intérêt général ou une violation d’une réglementation nationale, communautaire ou internationale.

L’agent bénéficie de la possibilité d’effectuer un signalement interne ou externe, mais ne peut en principe effectuer une divulgation publique que s’il a effectué un signalement externe et en l’absence de réponse approprié de l’autorité externe dans le délai requis.

Le signalement interne ne peut porter que sur des informations obtenues par l’intéressé dans le cadre de ses activités professionnelles et ne peut concerner que des faits qui se sont produits ou sont très susceptibles de se produire dans l’entité considérée.

Enfin, sont rappelées les obligations de mettre en place une procédure de signalement interne pour les collectivités territoriales.

A cet égard, en effet, le décret du 3 octobre 2022 oblige tant l’Etat que les collectivités territoriales et leurs établissements publics à mettre en place un canal de réception des signalements internes et à désigner une ou des personnes ou services chargées de recueillir et de traiter les signalements, cette obligation pouvant être mise en place, en vertu de l’article L.452-43-1 du code de la fonction publique, par le centre de gestion.

La circulaire rappelle que, quelle que soit la procédure mise en œuvre (registre, boîte mél, formulaire en ligne, courrier…), doit être garantie la stricte confidentialité de l’identité de l’auteur du signalement, des personnes visées par celui-ci, de tout tiers mentionné dans le signalement ainsi que des informations recueillies par l’ensemble des destinataires du signalement.

De même, la communication éventuelle à des tiers de tout ou partie des informations relatives au signalement doit être limitée à ce qui est strictement nécessaire aux besoins du traitement de l’alerte. Les garanties de confidentialité s’imposent en effet à toutes les personnes chargées de la gestion et du traitement du signalement.

La circulaire précise néanmoins qu’après la prise de la décision définitive sur les suites à réserver à l’alerte, les données pourront être conservées sous forme d’archives intermédiaires, « le temps strictement proportionné à leur traitement et à la protection de leurs auteurs, des personnes qu’ils visent et des tiers qu’ils mentionnent, en tenant compte des délais d’éventuelles enquêtes complémentaires »
Il est rappelé, enfin, que sont frappées de de nullité toute mesure de représailles par l’employeur dont ferait l’objet un agent public civil ou militaire pour avoir signalé une alerte dans le respect du cadre rappelé.

Rubriques mensuelles

Urbanisme

Même incident, l’appel doit être notifié par lettre recommandée lorsqu’il concerne un certificat d’urbanisme ou une autorisation d’urbanisme

On se rappelle qu’en application de l’article R.600-1 du code de l’urbanisme tout recours visant à contester un certificat d’urbanisme ou une autorisation d’urbanisme n’est recevable que s’il a été notifié par lettre recommandée à la personne publique qui a pris la décision et au bénéficiaire de cette dernière. Cette formalité doit également être effectuée en cas de recours en appel ou de pourvoi en cassation.

Le Conseil d’État vient, par un arrêt du 1er octobre 2024, commune de Saint Cloud, n°477859 d’étendre cette obligation dans le cas d’un appel incident.

 
Il en résulte que, dans le cas, par exemple, d’une annulation partielle d’un permis de construire, le requérant de première instance qui souhaiterait, par appel incident, demander à la Cour administrative d’appel de prononcer l’annulation totale du permis de construire devra procéder à cette notification.
Cette obligation ne s’appliquera en revanche pas pour les collectivités territoriales qui souhaiteront, par appel incident, demander à ce que le juge d’appel constate la parfaite légalité de l’autorisation d’urbanisme ou d’où du certificat d’urbanisme. En effet, dans ce cas précis, il ne saurait y avoir de contestation de la décision administrative ayant été rendue au sens de l’article R.600-1 du code de l’urbanisme.

Marché publics

Des conditions toujours restrictives pour réclamer au maître d’ouvrage public une rémunération complémentaire

On se rappelle que les difficultés rencontrées dans l’exécution d’un marché à forfait n’ouvrent droit à indemnité que s’elles trouvent leur origine dans des suggestions imprévues ayant pour effet de bouleverser l’économie du contrat ou si elles sont imputables à une faute de la personne publique.
À ce titre, la jurisprudence récente confirme que le titulaire d’un marché ne peut réclamer au maître d’ouvrage public, hors ces conditions très restrictives, une rémunération complémentaire au titre d’un allongement de délai.
Il en est ainsi d’un arrêt de la Cour administrative d’appel de Bordeaux du 28 mai 2024, n°22BX00845, lequel précise à ce titre, que ne peuvent être regardées comme des sujétions techniques imprévues que « des difficultés matérielles rencontrées lors de l’exécution d’un marché, présentant un caractère exceptionnel, imprévisible lors de la conclusion du contrat et dont la cause est extérieure aux parties ».

De même, la Cour administrative d’appel de Paris, dans un arrêt du 7 juin 2024, n°22PA01117 a jugé que des travaux, nécessaires pour que la société livre un ouvrage conforme aux prescriptions de son marché ne constituait pas des travaux supplémentaires, cette qualification étant également rejetée dès lors que les travaux n’ont pas été rendus nécessaires par une faute du maître d’ouvrage.

Enfin, le même arrêt précise que la seule circonstance que l’allongement de la durée du chantier serait à l’origine d’un bouleversement de l’économie du contrat du titulaire n’est pas de nature à ouvrir droit à indemnisation à son profit, dès lors qu’il ne résulte pas de l’instruction et n’est pas même allégué que des sujétions imprévues seraient à l’origine de ce retard.

Fonction publique

L’obligation de protection fonctionnelle doit également s’appliquer lorsqu’un agent public est directement et personnellement exposé à un risque avéré d’atteinte volontaire à son intégrité ou à sa vie

Lors de l’attaque commise le 3 octobre 2019 dans les locaux de la préfecture de police de Paris Mme B…, brigadier-chef de police, après avoir entendu des cris, s’était rendue dans les couloirs de la préfecture, a suivi les traces de sang au sol et s’était trouvée face à l’auteur de l’attentat qui était en train de porter plusieurs coups de couteau à l’un de ses collègues.

Dans un arrêt du 7 juin 2024, n° 476196, après ce tragique évènement, le Conseil d’Etat a précisé sa jurisprudence sur la protection fonctionnelle. *

Il a rappelé que les dispositions de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires – reprises aux articles L. 134-1 et L.134-5 du Code général de la fonction publique – établissent « à la charge de la collectivité publique et au profit des fonctionnaires, lorsqu’ils ont été victimes d’attaques à l’occasion ou du fait de leurs fonctions, sans qu’une faute personnelle puisse leur être imputée, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d’intérêt général ».

Il précise – et c’est l’apport de cet arrêt – que « cette obligation de protection s’applique également lorsque l’agent est directement et personnellement exposé à un risque avéré d’atteinte volontaire à son intégrité physique ou à sa vie en raison de sa qualité d’agent public. »

La Haute Juridiction en conclut qu’« en jugeant, après avoir estimé par une appréciation souveraine exempte de dénaturation que l’agent avait ainsi été directement et personnellement exposée à un risque avéré de subir une atteinte volontaire à son intégrité physique, qu’elle satisfaisait aux conditions d’octroi de la protection fonctionnelle, la cour n’a pas commis d’erreur de droit. »

Les conclusions du Rapporteur public, Monsieur Nicolas LABRUNE laissent entendre que le ministre de l’intérieur semblait redouter « que soient reconnues comme ouvrant le droit au bénéfice de la protection fonctionnelle « des attaques de masse, présentant un caractère général et impersonnel », de même que le simple risque pour un fonctionnaire de subir une atteinte à son intégrité, quand bien même cette atteinte serait demeurée purement éventuelle. »

Un tel risque n’est pas suffisamment significatif pour le rapporteur public, qui estime que le ministre attache aux arrêts attaqués une portée qu’ils n’ont pas. Il indique, en effet que « si la cour a reconnu le droit à la protection fonctionnelle des intéressées, c’est bien parce qu’elle a estimé, au vu des circonstances particulières de l’espèce, que celles-ci avaient été réellement et personnellement menacées, à raison de leur qualité d’agents publics, et non pas parce qu’elle aurait estimé qu’il est possible de bénéficier de la protection fonctionnelle sans avoir été personnellement visé, ou sans avoir été réellement menacé à l’occasion ou du fait de ses fonctions. »

Il en déduit que « la cour n’aurait pas pu retenir la même solution si elle avait été saisie par un agent de la préfecture de police qui, lors de l’attentat, n’aurait pas été directement confronté à l’agresseur : en pareil cas, l’agent n’aurait pas été réellement et personnellement menacé ».

Ecrit par Maître Hubert Veauvy

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